samedi 20 avril 2024
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Voyage en fantaisie avec Marion Sila

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Marion Sila est tombée sous le charme de l’accordéon et en a fait son compagnon de route. Des routes qu’elle arpente d’Amérique latine en Asie du Sud, car Marion est une voyageuse. Auteure, compositrice, interprète, Marion est une rêveuse aussi. Avec ses chansons, elle nous emmène dans un univers poétique et déjanté. Aussi décalé que le décor qu’elle a choisi pour ce showcase, le même que celui des photos de son 1er album.
Avant d’enregistrer cette vidéo, Marion est passée à la rédaction. Sa silhouette frêle et juvénile me fait penser à une elfe. Entretien avec une artiste à contre-courant, à l’enthousiasme et la générosité débordants.

Tu es une fille du Sud puisque tu viens de Manosque, puis tu as vécu à Paris pendant 15 ans avant de t’installer à Montpellier…

Je suis partie à Paris en 1998 pour être maquilleuse de cinéma. En fait, c’était aussi pour graviter dans le milieu artistique. Je ne savais pas quel métier je voulais faire, mais j’avais envie de côtoyer ce milieu. J’ai exercé quelques années comme maquilleuse et finalement la musique m’a rattrapée sur un tournage, comme une révélation ! J’en faisais déjà en loisir. J’ai commencé le piano à cinq ans, forcée par mes parents, puis j’ai repris de façon autodidacte vers 15 ans. Mais c’est mon entourage qui m’a ouvert les yeux en me disant que j’étais faite pour la musique.

Comment t’es-tu mise à l’accordéon ?

J’ai rencontré un accordéoniste ! Je suis tombée sous le charme de la personne et de l’instrument. Avec la personne, il ne s’est rien passé, mais avec l’instrument, un vrai coup de foudre et l’histoire d’amour dure encore. C’était vraiment une belle rencontre.

On a tendance à penser que c’est un instrument populaire et un peu “vieillot”.

Malheureusement, il y a quelques personnes qui ont dégradé l’image. Parce qu’on garde en tête Yvette Horner ou André Verchuren, alors qu’on peut utiliser cet instrument de façon très différente. Les gens disent souvent : « ah oui de l’accordéon… ça va être ringard… ». J’essaie de l’utiliser autrement, c’est d’ailleurs un peu ma mission ! C’est un vrai défi de rajeunir son image. J’ai envie de le défendre, il est tellement émouvant : même quand il est joyeux, il a toujours cette petite touche nostalgique. On peut lui donner plein de couleurs en même temps, moi je trouve ça vraiment charmant.

Tu joues aussi d’instruments très particuliers, que tu es une des rares artistes à utiliser pour certains.

La loop station (appareil électronique permettant d’enregistrer des boucles musicales en direct, ndlr), c’est le pédalier que j’ai au pied. Beaucoup d’artistes l’utilisent maintenant. Surtout depuis qu’il y a moins de budget, la plupart remplacent les musiciens par un pédalier. C’est triste, mais c’est comme ça. Moi, je m’en sers avec des petits instruments ramenés du monde entier que j’appelle ma “quincaillerie”. J’utilise aussi un dualo du-touch : un synthétiseur qui ressemble à un accordéon, très design. Je suis comme une femme-orchestre ! Pour certains morceaux qui n’ont pas du tout d’accordéon, je vais privilégier plutôt les voix, ou plus ou moins de son électronique. Ça augmente les possibilités. J’ai des chansons où je fais des petits bruits de couteaux, des rires, le bruit de la goutte*. Je fais aussi pas mal de mimes sur scène…

* Écoutez Marion faire le bruit de la goutte :
(elle tape sur sa joue avec un doigt, sans aucun trucage, je vous assure !)

J’ai été surprise, en regardant ta bio, de tous les pays que tu as visités. Le voyage a toujours fait partie de ta vie ?

Mon premier grand voyage toute seule, c’était au Mexique. C’est là que j’ai eu envie d’associer l’accordéon et le voyage. Quelques années plus tard, après avoir arrêté la musique avec Sépia (groupe parisien de chanson réaliste, ndlr), j’ai voulu créer un concept solo “Accordéon Voyageur”, sans me douter que je bougerai autant. En fait c’était intuitif car les Alliances Françaises ont fait appel à moi pour représenter la France. J’ai ainsi pu voyager, beaucoup en Amérique centrale. C’est donc tombé pile dans le projet où je voulais amener mon style.

Amérique latine, Croatie, Allemagne, Bangladesh… Quel accueil as-tu dans ces différents pays en tant qu’accordéoniste, artiste femme, Française ?

Eh bien ça dépend des pays ! En fait, je suis toujours très bien accueillie parce que je fais un peu extra-terrestre avec toutes ces machines de “femme-orchestre”… Dans certains pays comme le Bangladesh, c’est aussi le côté femme émancipée qui peut être intrigant. À chaque fois ce sont des réactions assez différentes mais toujours très enthousiastes. Le public est moins blasé qu’en France où l’on est très gâté au niveau culturel. Quand j’arrive au fin fond du Panama, les gens sont transcendés. Dans d’autres pays où les gens sont pudiques, ce n’est qu’à la fin que j’ai eu une ovation, alors que je croyais tout au long du concert faire un bide !

Est-ce qu’il y a un pays, un lieu en particulier où tu rêves d’aller ?

Oh moi c’est tous les pays… Évidemment j’aimerais bien découvrir le Japon vu que j’ai fait une chanson (Koguyaru) sur ces Japonaises qui, pour se métamorphoser en fashion victim, sont parfois obligées de se prostituer…

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Marion Sila – 1er album © Micaël Reynaud
Tu es aussi une femme et une artiste engagée. Qu’est-ce que tu chantes haut et fort ?

Le thème qui revient souvent est la sur-consommation, comme le titre Koguyaru justement – où les filles vendent leur corps -, ou La Grand Messe… Car c’est vraiment un gros problème : la pollution, l’environnement. Je suis pour la décroissance, on sera obligé d’y venir. Mon investissement est d’en parler en chanson, en y mettant ma poésie, pour faire gentiment prendre conscience aux gens et faire changer les mentalités petit à petit. Je ne saurais pas le faire autrement.

Tu dédies ce 1er album à Antoine Sourire de Lune…

C’est une histoire un peu triste. Je suis venue à Montpellier parce que j’ai suivi mon amoureux mais malheureusement il est parti dans l’autre monde. Alors je lui dédie ce disque. Sourire de lune, c’était lui, il avait un grand sourire qui ressemblait à la lune (elle fait le geste avec la main d’un sourire qui prend tout le visage). Il a sa chanson Sonrisa de Luna. C’est un hymne à lui.

Dans cet album, tu dévoiles une partie de ta vie intime. C’était une nécessité pour te permettre d’avancer ?

Oui. Déjà la musique a été complètement salvatrice pour moi parce que je suis partie en tournée un mois après son décès. J’ai pu tenir grâce à la musique. Les périodes en studio m’ont vraiment aidée, l’écriture a été une thérapie. Des chansons que je ne vais pas forcément enregistrer. Mais j’ai beaucoup écris sur le deuil. S’exprimer est salvateur.

Tu es en préparation d’un deuxième album il me semble ?

Oui je commence déjà à enregistrer. Dès novembre, je vais faire des petites séances : enregistrer les instrumentaux, poser les voix chez moi pour voir ce que ça donne. Je fais ça lentement, tranquillement, à mon rythme. Je n’ai pas de pression.

Moi de toute façon, je ne suis pas dans les normes.

Un fil rouge ?

Je ne sais pas encore. Mais c’est toujours mon regard, mon ressenti sur des thèmes. (Elle réfléchit.) Il sera peut-être plus poignant que celui-ci au niveau des sentiments, forcément, puisqu’il y aura toutes les chansons sur le deuil. Mais jamais d’une façon très plombée, ça je ne sais pas faire. Il y a toujours une lueur d’espoir, un côté positif dans tout.

C’est un peu ta spécialité d’avoir cet aspect décalé, déjanté parfois ? Notamment sur la cover de ton album où tu virevoltes en tutu avec ton accordéon dans un lieu abandonné, aux murs tagués et délabrés, façon Urbex…

Oui c’est exactement ce que je voulais donner : le contraste. Parce que le monde dans lequel on vit est assez lourd, on le voit à l’écoute des informations. Moi j’ai envie de garder cette fraîcheur, ce côté positif. Comme dans ma vie, je suis quelqu’un qui rebondit, qui ne se laisse pas miner. Les contrastes chez les gens, c’est ce qui m’intéresse. J’aime bien gratter quand je vois une personne qui a l’air un peu froid, j’aime bien aller chercher qui elle est. Moi-même j’ai un gros contraste, parce qu’avant j’étais extrêmement timide. Maintenant je suis plus extravertie. J’ai ce contraste vraiment sur scène et dans la vie.

Ce 1er album sort le 7 octobre prochain. Quels sont tes projets à moyen ou long terme ?

Le long terme, je ne sais plus faire (rires) ! Le moyen terme, c’est de continuer à tourner. Peut-être l’Italie et la Chine en 2017. Enregistrer un deuxième album. Continuer mon p’tit bonhomme de chemin comme je le fais. Si j’avais un tourneur, ce serait vraiment plus facile parce que tout faire, c’est compliqué. Surtout que lorsqu’on est artiste, on ne sait pas du tout se vendre ! On n’est pas dans la com’. Si j’étais entourée d’une structure, ça m’aiderait, mais je continue mon chemin, je me laisse porter par le vent (elle sourit, songeuse)… Le chemin est beau. Malgré ce qui arrive, il y a toujours du bon. Ce qui ne tue pas renforce. C’est pour ça qu’il ne faut pas avoir peur de vieillir…

Tu as quel âge ?

40. Je les ai eus cette année.

Oh tu ne les fais pas du tout !

Oui, c’est souvent ce qu’on me dit. J’ai gardé mon âme d’enfant, c’est pour ça (rires). Depuis que je suis petite d’ailleurs, on me dit tout le temps : « oh tu fais jeune… ». Avant ça m’énervait, maintenant je commence à apprécier ! Mais c’est mon état d’esprit aussi. C’est vrai que j’essaie toujours d’être étonnée par ce que je vis, d’être dans le jeu.

En plus pour une femme, on dit souvent que 40 ans est un âge, disons “charnière”…

Oui je me souviens des 40 ans de ma mère, c’était pas de la rigolade (rires) ! Moi j’avais peur, mais finalement ce sera peut-être la cinquantaine, vu que je fais tout avec dix ans de retard ! Je ne pourrai plus faire d’enfant à 50 ans, mais c’est pas grave, je fais des bébés disques !

Avoir un enfant n’est pas forcément l’objectif ultime d’une femme…

Non, c’est surtout la société qui nous impose de rentrer dans les normes. Moi de toute façon, je ne suis pas dans les normes. Donc ça ne me dérange pas d’être encore à contre-courant !

Pour découvrir l’univers de Marion Sila :

Site officiel
Page Facebook
Écouter Marion Sila sur Soundcloud

Pour ce showcase acoustique, Marion chante “Il aurait dû m’aimer”, une chanson dans laquelle elle se met dans la peau d’un couteau !

Note :

Lorsque Marion n’a pas les mains sur son accordéon, elle les utilise pour masser !
Diplômée en esthétique-cosmétique, elle a été formée aux techniques de massage par des praticiens réputés. Depuis quelques années, elle a créé à son domicile une bulle d’évasion, une parenthèse de douceur : massages indiens, suédois, japonais (Shiatsu) ou encore assis (Amma). Des mains de musicienne et des huiles bio : nul doute que même les massages de Marion nous font voyager.
Site internet

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