Lola Cros est journaliste indépendante à Rodez, en Aveyron. Témoin privilégiée des initiatives positives locales, elle a voulu mettre en lumière les acteurs de l’écosystème aveyronnais dans « Finta! » un podcast bienveillant à l’écoute des belles énergies qui animent ce département d’Occitanie.
Pouvez-vous nous présenter votre activité ?
Finta! c’est un podcast de territoire. J’ai eu envie d’entendre des personnes qui habitent le territoire de l’Aveyron, qui ont des manières différentes de l’habiter, des manières engagées. L’idée était de pouvoir épingler des visages, épingler des voix de la ruralité pour aussi donner des modèles d’inspiration à une certaine jeunesse car j’ai personnellement fait l’expérience d’avoir manqué d’exemples de possibles autour de moi dans un territoire rural et enclavé comme l’Aveyron. C’est aussi l’idée de connaître son voisin, de s’en inspirer et ensemble, de pouvoir imaginer des possibles sur la ruralité de demain.
Comment avez-vous eu cette idée ?
C’est une idée qui a germé il y a un an exactement parce que je suis journaliste depuis huit ans, j’ai travaillé sept ans dans la presse locale, dans des journaux quotidiens sur le territoire aveyronnais. Pendant cette expérience, j’ai rencontré énormément de monde mais j’ai aussi senti monter une certaine défiance à l’encontre des journalistes, ce qui me dérangeait profondément parce que je connais l’importance de ce métier. Je suis très attachée à l’information, elle est pour moi un pilier de la démocratie qu’il faut dès aujourd’hui protéger parce qu’elle peut être menacée assez facilement.
C’est un peu toutes ces réflexions qui m’ont animée et l’envie assez égoïste de repartir voir des gens qui m’avaient inspirée sur des reportages, des gens que j’avais envie de donner à entendre sans filtre. Il y aussi l’idée que le podcast n’existait pas en Aveyron, c’est un média relativement nouveau qui commence à être assez populaire, mais il n’est pas forcément encore arrivé en ruralité.
C’est un média très jeune, écouté par les 25/45 ans et aussi très urbain, donc tout le défi est de l’amener en milieu rural. J’y crois beaucoup parce qu’on n’a peut-être pas de transports en commun dans lesquels écouter les podcasts, mais on passe aussi beaucoup de temps dans nos voitures. Les agriculteurs dans leurs tracteurs sont de gros consommateurs de podcasts, donc je trouvais qu’il y avait quelque chose à faire de ce côté-là.
Il y a aussi l’idée de mettre la voix à l’honneur parce que dans un département comme l’Aveyron, beaucoup de mémoire, de savoir-faire, d’histoires passent encore par l’oralité, on n’a pas énormément d’archives écrites, pas sur tous les sujets en tout cas. Il y a quelque chose autour de la voix que j’avais envie d’archiver et autour de l’accent aussi, c’est vrai qu’il y a un accent et ça fait partie d’un tout.
Finta! est écouté au-delà de l’Aveyron ?
Je me rends compte maintenant que le podcast me permet de toucher tous les Aveyronnais expatriés ou tous ceux qui ont une attache même éloignée avec l’Aveyron, et qui reviennent l’été ou à Noël mais qui en sont loin le reste de l’année, ceux qui ont à cœur d’accompagner le dynamisme de ce territoire. On a un peu l’impression de l’avoir abandonné quand on en part, donc on a envie d’entendre qu’il est dynamique pour peut-être un jour revenir s’y installer.
Je suis ravie de voir qu’il y a des expatriés aveyronnais qui nous écoutent. J’en ai à New York, Montréal, en Nouvelle-Calédonie qui m’écrivent après chaque épisode pour me dire qu’ils sont ravis d’avoir un peu d’accent aveyronnais dans les oreilles quand ils vont au boulot et de rencontrer ou de découvrir des gens de là-bas. J’ai aussi beaucoup de remarques de gens qui me disent qu’ils n’avaient aucune idée que quelqu’un portait tel ou tel engagement et vivait à côté de chez eux, et me remercient de leur faire découvrir.
Il y a une ligne volontairement positive et inspirante dans tous les épisodes.
Comment finance-t-on un podcast ?
Là, j’en suis vraiment au tout début de ma stratégie de monétisation, j’aurai le choix d’aller chercher des sponsors. Je pense à des petites entreprises qui sont notamment sur du savoir-faire et de l’artisanat. Des gens qui ont envie de se rapprocher des valeurs de Finta! de proximité, d’encrage sur le territoire et à qui je peux proposer des petites capsules sonores en début d’épisode. C’est plutôt le modèle que je vais privilégier a priori.
Pour l’instant, ce qui me fait vivre c’est la pige, je continue à travailler pour différents médias, donc Finta! me sert de vitrine pour la pige rurale que j’espère développer au niveau national.
Vous parlez de pige, qu’est-ce que c’est ?
Être pigiste ça veut simplement dire être indépendant, ne pas être rattaché à une seule rédaction. Ça veut dire pouvoir travailler pour différents médias plus ou moins régulièrement, à différentes échelles du local au national, même à l’international, que ce soit presse écrite, audio, télévision ou radio.
Des conseils pour celles qui voudraient se lancer ?
C’est quand on est en action que l’énergie autour de nous se crée et qu’on vient nous proposer plein de choses.
Le conseil que je donnerais, c’est de ne pas attendre que le projet soit parfait ou penser qu’il le soit pour se lancer, c’est un conseil que j’ai beaucoup entendu.
J’ai été accompagnée notamment par Les Premières Occitanie à Toulouse, on me le répétait souvent mais ça avait l’air abstrait. Je l’ai vraiment senti au moment où j’ai lancé le podcast, je m’étais donné jusqu’à mi-décembre pour lancer le premier numéro, à ce moment-là je n’avais que trois épisodes d’avance et du matériel assez moyen. Je n’étais pas tout à fait sereine avec cette idée-là, mais je me suis dit : « Tant pis, je me suis fixé cette date alors j’y vais et je verrai bien si ça prend et comment évoluer ». Et c’est ce qui s’est passé, j’ai tout de suite eu des retours très techniques pour me donner des conseils, des retours sur les choix d’invités, j’ai vu que quelque chose prenait.
C’est quand on est en action que l’énergie autour de nous se crée et qu’on vient nous proposer plein de choses. Depuis que j’ai lancé Finta!, j’ai plein de collaborations qui se dessinent, de projets dans tous les secteurs et encore ce matin on m’a dit : « Ton énergie m’inspire, moi aussi j’ai envie d’agir ». C’est le meilleur retour qu’on puisse me faire et ensemble on va faire quelque chose d’autre, on va avancer, l’action amène l’action, c’est super riche. Se lancer c’est le plus dur, mais il faut se fixer une date et y aller.
Photo de couverture Lola Cros copyright Grizette.