vendredi 26 avril 2024
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Le jazz swing des années 50 façon Rose Betty Klub

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Marie Nosmas est passionnée de comédies musicales américaines depuis son enfance. Comédienne, danseuse et circassienne, elle évolue depuis quelques années dans l’univers du jazz swing des fifties. Avec son chignon banane, ses tenues de pin-up et sa voix ensorcelante, elle devient Rose Betty, chanteuse du quintet montpelliérain Rose Betty Klub. Ensemble, ils livrent un jazz aux sonorités de rythme and blues, soul, boogie woogie et rockabilly. Dès les premières notes, nos pieds battent la mesure et leur musique nous transmets une énergie communicative. Rencontre avec une brunette au regard espiègle, à l’enthousiasme débordant, et complètement rock ‘n’ roll.

On t’appelle Rose Betty ou Marie ?

Oh tu peux m’appeler Marie ! (rires)

Rose Betty prend le pas parfois sur elle ?

Oui à chaque concert ! En fait, je viens du théâtre donc je trouvais rigolo de donner des noms de scène, comme à l’époque avec Duke Ellington, Lady Day (le surnom de Billie Holiday, ndlr) ou Nat King Cole, qui n’étaient ni ducs ni rois… Du coup, j’ai baptisé tous les musiciens, je trouve que ça amène un univers.

Tu es une vraie fille du Sud puisque Niçoise d’origine. Comment es-tu arrivée à Montpellier ?

J’ai monté ma compagnie de théâtre en 2002 avec huit autres personnes – filles et garçons -, on est venus s’installer à Montpellier. On avait envie d’être dans le Sud et d’avoir la mer – ça c’était obligatoire ! -, Montpellier était sympa et bien central, car tout le monde venait d’endroits différents.

Avec le Rose Betty Klub, tu es dans un registre très particulier. Qu’est-ce qui te plaît dans le jazz swing ?

La possibilité d’improviser, c’est vraiment la seule musique qui présente ça. Toutes les autres musiques sont une simplification du jazz, mais à la base, il y a le blues et le jazz. Ce qui est chouette, c’est d’avoir des musiques arrangées, vraiment millimétrées, et d’énormes plages d’improvisation. Quand on joue, il y a les moments des solistes où on ne sait pas ce qui va se passer, tout le monde est tourné vers eux pour les accompagner. Le fait de pouvoir jouer avec d’autres musiciens : on peut très bien se retrouver dans une jam où personne se connait mais on peut jouer ensemble parce qu’on a cette base commune du jazz, des standards et de la façon d’improviser. En plus, cela permet de mélanger avec plein d’autres influences. Nous c’est le blues, le rythme and blues, et parfois des choses plus rigolotes comme du rocksteady, du boogie… Le jazz, c’est la liberté.

Cette influence se limite à la scène ou elle déborde dans ta vie au quotidien ?

Non, c’est vraiment dans les concerts. Tout le monde me parle du personnage de Rose Betty mais je n’ai pas du tout créé de personnage comme au théâtre, c’est juste moi avec plus de talons, plus de robes. Parce que lorsqu’on va sur scène, j’aime bien l’idée de spectacle, de donner quelque chose qui fait rêver. J’adore voir des comédies musicales ou des gens qui se costument sur scène, avec un univers. Donc naturellement, je l’ai fait. C’est moi dans la vie mais avec un petit supplément, un pourcentage d’énergie en plus !

Avec une dose d’ultra féminité en plus aussi ?

Alors ça, je pense que tout le monde aurait besoin de le faire ! Moi, j’ai passé toute mon adolescence avec des baggy à écouter du punk, et d’un coup quand il y a cette possibilité-là, on se dit : « tiens mais oui, enfin je vais mettre les talons que j’ai dans mon placard depuis dix ans et que je porte au Jour de l’an… ». J’ai toujours aimé mettre des trucs extravagants mais au quotidien, c’est un peu lourd quand tout le monde te regarde et que ce n’est pas forcément ta volonté. Alors que sur scène on peut vraiment faire ce qu’on veut, ça fait du bien. Je conseille à toutes les filles de mettre des talons et du rouge à lèvres de temps en temps, même si c’est pas leur habitude, c’est super chouette !

Rose Betty Klub
Rose Betty Klub – Album « Bleu » © Céline Capelier
Après « Good » en 2015, vous sortez maintenant un deuxième album « Bleu ». Que s’est-il passé en deux ans ?

Les compositions. Le jazz, c’est un répertoire, c’est comme la musique classique en fait. C’est un répertoire de standards que tout le monde reprend depuis 80 ans, et nous au début, naturellement, on faisait ça aussi. Dans « Good », il y a des standards mais également des choses que personne ne connait parce que je me suis amusée à fouiner du côté des chanteuses de rockabilly de l’époque, ou des trucs assez inconnus des années 50 qu’on a repris.

Rose Betty Klub
Rose Betty Klub – Album « Bleu »

Avec toutes ces années à travailler ce son, on a trouvé notre style, différent de ce qu’on faisait quand on a commencé le swing. Donc entre les deux albums, on a écrit nos propres compositions. C’était quelque chose qui me paraissait vraiment loin au début, je ne m’imaginais pas pouvoir le faire en fait, parce que je ne suis pas Duke Ellington. Il y avait comme un piédestal dans cette musique-là. Et puis en mélangeant le jazz et tout ce qu’on aimait, on a pondu notre musique. C’est grâce au guitariste aussi, Johnny Mustang, qui a amené les premières idées de compositions – moi j’écris les textes – on a fait tous les arrangements ensemble. On lui doit beaucoup !

Donc cet album « Bleu », c’est vraiment le RBK ?

Oui pour moi, c’est le premier “vrai” album, qui marque le début de ce qu’on va faire et qui on est. Je pense que c’est le cas pour tous les groupes, il faut le temps de se trouver.

Vous faites beaucoup d’improvisations avec le public dans vos concerts. Est-ce que c’est ton expérience dans le théâtre et la danse qui a guidé ce besoin ?

Ah oui, clairement. Moi, je m’amuse à fond ! C’était pas forcément une volonté au début et puis on s’est retrouvé dans des lieux où les gens étaient très sérieux, assis dans des fauteuils à nous écouter religieusement… Mais il faut savoir que le jazz c’est des clubs enfumés dans des ghettos, à la base. Donc on était plutôt habitués à une ambiance enflammée ! Cela dit, j’aime aussi quand le public est à l’écoute, mais j’avais besoin de briser la glace, donc je me suis mise à vanner les gens, raconter des anecdotes… Et je me plais à voir que ça commence à prendre, que les gens se détendent, ça crée autre chose. J’aime bien présenter un univers en fait, j’ai souvent mis des costumes, des colliers de fleurs, des chapeaux… faire rire les gens.


Le Rose Betty Klub en live au JAM de Montpellier.

Comment es-tu passée du théâtre à la musique ?

Je chantais déjà beaucoup dans le théâtre. J’ai participé à des spectacles musicaux, j’avais même mis en scène « The Rocky Horror Picture Show » quand j’étais à la Fac – pour moi c’est le summum, cette comédie musicale me transcende ! – on était quatorze sur scène. J’ai eu pas mal de projets comme ça dans la compagnie qu’on a montée avec les copains, il y avait toujours du live, de la musique. Après ce sont les rencontres… À Montpellier depuis quinze ans, il y a vraiment un mouvement jazz swing, donc les jams, les concerts, les bœufs entre musiciens, c’est quotidien. C’est ce qui m’a plu par rapport au théâtre où on prépare beaucoup, on reste longtemps enfermé avec l’équipe avant le spectacle, alors qu’avec le jazz, je pouvais prendre un micro, aller dans un bar et jouer. Au lieu de faire dix représentations dans l’année, je pouvais en faire cinquante ! C’était le cas la première année où j’ai monté le RBK. Aussi bien aux Internationales de la Guitare – parce qu’ils nous avaient repérés quand on jouait dans la rue – que dans des petits bars. Je continue le théâtre, mais je trouve que le lien avec le public est plus direct avec la musique.

Tu es musicienne ?

Oui au départ j’étais autodidacte, j’ai toujours chanté depuis gamine, mais à l’oreille. En 2013, je suis allée au JAM en formation professionnelle et on a mis des mots et de la théorie sur tout ce que je faisais. J’ai commencé la contrebasse et le piano, et maintenant je joue dans une formation en duo « My Joséphine » et dans une formation rockabilly « Betty & the Squares ». Pour composer, je fais pas mal de piano. Je ne deviendrai jamais pianiste parce que c’est un travail monstrueux, mais maintenant je peux dire que je suis musicienne, je sais ce que je fais ! (rires)

Rose Betty Klub
Rose Betty Klub © Céline Capelier
La scénographie des clips, les pseudos de chaque membre et tout ce que vous faites sur scène sont une volonté d’immersion du public dans cet univers 50’s ?

Les gens ont besoin de rock ‘n’ roll dans la vie !

Je n’avais pas vraiment de volonté, pour moi c’était normal d’aller sur scène avec un costume. Et puis j’adore cet univers, c’était vraiment l’explosion de la jeunesse qui n’existait pas avant car on travaillait à partir de quatorze ans. Or dans les années 50, la guitare électrique devient hyper populaire parce que Fender commercialise des guitares industrielles et les jeunes peuvent enfin s’acheter un instrument pas cher. Et là il y a le rock ‘n’ roll, il y a Elvis, et un mouvement hallucinant de libération de la jeunesse. J’aime l’idée que les gens puissent replonger dans cet endroit-là, quelque soit leur âge. Les gens ont besoin de rock ‘n’ roll dans la vie ! Et je constate, dans tous les concerts qu’on fait – même dans les festivals de jazz les plus solennels – que les gens se laissent surprendre, alors ils sont à fond… C’est bon de se lâcher, tout le monde en a besoin, c’est universel. Du coup c’est ce que j’ai envie de donner.


Showcase réalisé à la Casa Bondels pour Grizette.

La chanson « Bleu » est la première que vous faites en français, pourquoi ?

J’avais écrit un spectacle de comédie musicale jazz pour les enfants il y a deux ans avec une pianiste qui m’accompagnait sur scène. « Billy » est l’histoire du jazz racontée aux enfants, mais pour qu’ils puissent comprendre ce que je racontais, il a fallu que j’écrive en français. Et ça m’a plu, bien qu’il n’y ait pas grand chose qui me séduise en français à part Brel, Barbara… J’ai proposé à Johnny Mustang d’essayer parce que le jazz qu’on fait est vraiment un jazz à l’américaine, c’était donc une sorte de challenge. Et le résultat nous a surpris. L’influence était vraiment l’album de Gainsbourg « Du Jazz Dans Le Ravin », dans la lignée Vian et cette période des années 50. Du coup on va continuer, et dans un an, il y aura une prochaine création qui s’appelle « Mademoiselle » complètement en français. Ce sera un autre répertoire, même si on continue à jouer « Bleu ».

Cet album parle des filles de notre époque qui s’assument, contrairement aux années 50 où elles étaient sous la coupe de leur mari. Quels sont les progrès à faire encore de nos jours sur la condition des femmes ?

Je suis vraiment une féministe et je connais des hommes plus féministes que les femmes !

Évidemment beaucoup de progrès ont été faits. Mais pour moi, c’est pas encore ça. Franchement, c’est quand même hallucinant qu’on parle d’égalité homme-femme alors que ce n’est pas le cas pour le salaire. En 2017, c’est une énorme aberration. Et je pense que dans les mentalités, ça freine encore beaucoup. Mais de la part des filles, hein. Moi, je suis vraiment une féministe et je connais des hommes plus féministes que les femmes ! Souvent quand une femme se fait regarder de la tête aux pieds, c’est pas par des hommes. Elle se fait juger par des femmes. Elles sont intransigeantes entre elles, il faut se remettre en question avec ça, y’a pas que les hommes. Je ne suis pas du tout dans un tel féminisme, c’est ensemble que ça change. Et en ce moment, c’est un peu la révolution quand même. C’est super chouette de voir ce qui se passe, c’est bien que ça sorte. En même temps, c’est terrible tous ces scandales sur le harcèlement des femmes, les milieux politiques, journalistiques et autres où on voit tous ces témoignages. Mais j’essaie de montrer une image positive plutôt que de râler.

« Faites des choses bien les filles, peut-être qu’il faut prouver deux fois plus que les hommes notre valeur avant d’être reconnue. Mais c’est pas grave, ça va venir. »

En tant qu’artiste femme, leader d’un groupe, as-tu un rôle à jouer par rapport aux femmes ?

Je ne me sens pas investie d’une mission, je fais ce qui me plaît, ce que j’aime. Je pense qu’en montrant juste quelqu’un qui fait ce qu’il a envie, ça donne des idées aux autres et tant mieux. C’est bien aussi de pousser les limites, les gens se sentent plus libres du coup.

L’album « Bleu » a-t-il un message particulier pour les filles d’aujourd’hui ?

Souvent ce qui se retrouve dans les chansons c’est « fais vraiment ce qui te plaît ! Même si ça ne plaît pas autour de toi parce que tu prends trop de place ou que c’est pas la norme. C’est la liberté de faire ce que tu veux et d’assumer aussi ». Il y a trop de gens qui se freinent – même socialement – qui n’osent pas dire ce qu’ils pensent, être tout simplement. Le message, c’est liberté totale.

La chanson « Babe, deep in your heart » est diabolique, non ?

Oui, elle le tue ! (rires) C’est diabolique parce qu’en fait cette chanson est vraiment un cliché des années 1960. On a fait exprès de reprendre les codes de la musique de ces chansons d’amour et en général, les textes de cette époque c’est « il est parti, je l’aime, je ne suis rien sans lui… ». Alors que là, on a fait la même musique mais si les gens prêtent un peu attention au texte – c’est pour ça que j’ai fait le clip avec le sous-titrage karaoké, pour comprendre l’histoire -, c’est détourné à l’extrême ! Dans le théâtre, j’ai toujours eu des personnages un peu trash, grotesques, violents aussi. J’aime bien quand ça devient absurde, que ça dérape. Du coup à la fin de la chanson, elle le tue parce qu’il a été infect. C’est une métaphore mais au lieu de dire : « Je subis. Eh bien je le tue parce que je fais ce que je veux, et il ne m’embêtera plus ! ».

Il y a un message subliminal ?

Non, enfin… Mais arrêtez de vous laisser emmerder, quoi ! C’est juste ça. Il y a tellement de filles qui vivent encore sous la tutelle de leur mec. Pourtant des filles qui se disent féministes ! J’ai plein de copines qui se laissent happer par amour. C’est normal. Mais non… c’est pas normal, il y a des limites à ne pas dépasser : la limite de l’estime de soi. On peut déraper – ça m’est arrivé aussi – c’est pas un jugement, mais parfois, on n’est pas féministe avec soi-même. Voilà, c’est un peu le message.


Le Rose Betty Klub en live au JAM de Montpellier.

Sur la pochette de l’album, vous précisez que la chanson « I hate you » est un hommage à la vieille canaille. C’est qui ?

C’est Gainsbourg. Par rapport à la chanson « quand tu seras mort, vieille canaille… », on a fait une petite citation sur l’intro du morceau qui ressemble à un live de Gainsbourg où un big band l’accompagne. J’avais envie de le marquer pour montrer qu’on avait fait exprès.

Quels sont vos projets ?

Le 23 novembre, nous serons à Perpignan pour un concert à El Mediator – c’est une première dans cette salle, grâce au Sonambule qui est notre partenaire et nous avait accueillis en résidence. C’est la suite de notre sortie d’album en région après le Sunset à Paris. Puis le 8 décembre à Montpellier au Nu-Bahia, un endroit magnifique, avec une équipe super sympa, on y retourne chaque année avec autant de plaisir. Ensuite le Gazette Café le 6 janvier 2018, le Jazz Corner le 3 février. Et on ira peut-être faire une tournée ailleurs – l’hiver dernier, on était partis en Guadeloupe, on va peut-être recommencer vu qu’on a des amis là-bas -, après, ce sont les dates d’été avec les festivals.

Pour découvrir l’univers du Rose Betty Klub :

Site officiel
Page Facebook
Chaîne YouTube

Pour le showcase, le Rose Betty Klub a choisi de jouer le morceau « Bleu » extrait de leur nouvel album éponyme.
Marie Nosmas : chant
Jon Da Costa Ferreira : guitare
Romain Portet : contrebasse
Un grand merci à la Casa Bondels ne nous avoir accueillis pour ce showcase intimiste.

À découvrir aussi, le clip Johnny Mustang :

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