Les êtres humains n’ont pas attendu la création du web pour se regrouper autour de thèmes fédérateurs comme la religion, les études, le monde de l’entreprise. Mais c’est vrai qu’avec l’apparition d’Internet, le réseautage a pris une nouvelle ampleur. Ses formes et possibilités se sont multipliées. Des réseaux virtuels à la réalité, difficile de ne pas se perdre. Ça s’appelle réseauter. Se former en tribus, ça, l’homme sait faire ! La femme aussi…
Paris, avril 2014 : l’un des thèmes abordés lors d’une conférence sur l’Égalité Femme-Homme est le rôle des réseaux féminins dans les entreprises.
Ainsi, se regrouper entre femmes et développer son réseau professionnel permettrait un meilleur accès aux postes à responsabilités. Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des Droits des Femmes, déclarait : « Adhérez à un réseau et s’il n’y en a pas dans votre entreprise, créez-le ! Nous avons besoin que vous vous organisiez. Ces réseaux jouent un rôle précieux pour accompagner les femmes dans leurs parcours, pour leur proposer du coaching, du mentoring, des conseils. »
Forcément quand on dit réseau, on pense immédiatement aux francs-maçons qui, à Montpellier, sont très présents depuis des siècles. Ils seraient aujourd’hui deux-mille-cinq-cent, toutes obédiences confondues. Tous les courants maçonniques sont représentés dans la ville, y compris la Grande Loge Féminine de France. Médecins, femmes politiques, avocates, commerçantes, professeures, journalistes, entrepreneures, autant de secteurs d’influence dans la société. Si les grandes réflexions symboliques sont au cœur des activités maçonniques, on y pratique aussi l’entraide et l’échange. Évidemment on ne tape pas à la porte de la Grande Loge Féminine de Montpellier en disant « bonjour c’est moi, je voudrais intégrer votre groupe. » Il faut être coopté. La candidate doit être présentée par une marraine. Suivront divers entretiens et une enquête pour enfin assister à une première réunion lors de laquelle il sera décidé de vous intégrer… ou pas.
Aujourd’hui, les hommes savent très bien travailler en réseau, les femmes moins et c’est dommage.
Les réseaux de femmes doivent devenir la tête de pont de l’égalité dans les entreprises
La cooptation, c’est également le mode de recrutement de Féminin Pluriel. Un réseau international dont l’antenne régionale a ouvert il y a deux ans. Elles sont aujourd’hui vingt-cinq, sachant que le réseau sélectionne avec vigilance ses membres – dont le nombre n’excède jamais cent. Sa vice-présidente, Valérie Briot, nous en a dit un peu plus sur ces critères de sélection : « Des femmes entreprenantes et actives qui ont envie de s’impliquer. Nos membres occupent des postes à hautes responsabilités, sont des artistes ou des entrepreneures, exercent une profession libérale. Je suis moi-même juriste. Des femmes de cœur aussi. Nous sommes ainsi très attachées à la transmission, à aider des jeunes filles, leur servir de modèle, car ce sont elles qui construiront la société de demain. »
Le projet qui les occupe en ce moment par exemple, est le parrainage de lycéennes issues de milieux défavorisés pour leur permettre de poursuivre des études. Faut-il être forcément une chef d’entreprise ou une femme d’influence pour réseauter ? La question gêne un peu Valérie Briot : « c’est sûr que notre but à Féminin Pluriel est d’optimiser et développer nos liens professionnels. Aujourd’hui, les hommes savent très bien travailler en réseau, les femmes moins et c’est dommage. On se rend compte que celles qui réussissent sont souvent isolées. D’où l’intérêt de prendre part à un club d’échanges quand on est une femme active. » Et de préciser que de telles clubs sont nombreux à Montpellier : Femmes Actives, Ladies Circle France, Femmes Chefs d’Entreprises, etc.
Cependant, une chômeuse n’a-t-elle pas – elle aussi – tout intérêt à intégrer un réseau ? C’est un peu l’idée défendue par Force Femmes. L’association accompagne les femmes de plus de 45 ans dans leurs démarches de retour à l’emploi et de création d’entreprise. Et avec vingt-deux-mille séniores sans-emplois actuellement en Languedoc-Roussillon, il y a fort à faire. Chef d’entreprise, Lylian Sauvebois préside aussi Force Femmes à Montpellier depuis sa création, il y a un peu moins d’un an. « J’avais entendu la présidente nationale, Françoise Holder, à la radio et cela m’avait donné envie de m’investir. Il se trouve qu’ils cherchaient justement à s’implanter dans la région ! »
Question : peut-on parler de réseau féminin avec Force Femmes ? « Oui dans la mesure où il y a de l’entraide. Nous occupons toutes des postes à responsabilités parmi les bénévoles et sommes prêtes à partager nos compétences pour des femmes qui en ont besoin. Il leur est proposé un accompagnement personnalisé et elles peuvent profiter de nos contacts ou se mettre en réseau entre membres. » Douze femmes ont déjà bénéficié de cette entraide et treize autres se sont inscrites depuis l’inauguration officielle de l’association, en novembre dernier.
Qu’en est-il du lobbying ?
Quid du lobbying, puisque l’influence de leurs membres est au cœur de la plupart des réseaux ? « Action menée par un groupe de pression en vue d’obtenir quelque chose » : c’est la définition du Larousse. Pour les groupes qui le pratiquent, le lobbying viserait plutôt à éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, écologiques, sanitaires, d’ordre public ou encore de protection du consommateur selon des points de vue particuliers afin que le politique prenne une décision.
out en insistant sur le fait qu’elles sont apolitiques et aconfessionnelles, la vice-présidente de Féminin Pluriel Languedoc-Roussillon admet qu’une certaine implication dans la vie publique peut être utile pour faire avancer certaines causes comme la mixité professionnelle : « Le Medef nous a contactées pour créer des spots sur le sujet. Donc on y travaille. Mais pas directement avec les politiques. » On réseaute pour évoluer dans son métier, pour entamer une réflexion et une remise en question sur soi-même. On se rend des services aussi, on échange des conseils sur des intérêts communs.
Qu’est-ce qu’on attend alors pour se lancer ?
Le regard du sociologue sur les réseaux.
Vincenzo Susca, Maître de Conférences en sociologie à l’Université Paul-Valéry-Montpellier III, auteur de « Joie Tragique – Les formes élémentaires de la vie électronique » CNRS Éditions.
Comment peut-on définir un réseau ?
Le réseau est une manière d’être ensemble, d’actualiser, d’interpréter et même de visualiser la socialité contemporaine. Les réseaux sont plutôt la cause et l’effet de ce que je suggère d’appeler « les affinités connectives », une forme de communion sociétale liée à des situations spécifiques, à des goûts, styles, contextes qui font qu’un groupe est soudé.
Quel est l’intérêt de prendre part à un réseau ?
Faire partie d’un réseau offre la possibilité de mettre en valeur des goûts, des désirs et des imaginaires précis qui ne seraient pas assez pris en compte dans un contexte plus large. En outre, c’est une manière de rentrer en contact de façon flexible avec un groupe – ou tout membre du réseau – par le partage de symboles, affects et passions communes.