mardi 19 mars 2024
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Sophie Krawczyk – La Bobine

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Sophie Krawczyk a cofondé l’agence de design social « La Bobine » avec Emma Livet. Elle exerce un métier extrêmement nouveau et qui est pourtant indispensable à une époque où le numérique chamboule les organisations et les idées reçues.

Pouvez-vous nous présenter votre entreprise ?

La Bobine, c’est une agence de design social qui existe depuis trois ans, qu’on a fondée avec ma collègue Emma Livet, à la fin de nos études. On était toutes les deux parties dans des stages de fin d’études différents, et on a voulu se retrouver pour travailler ensemble. On l’a tenté un peu sous format exploratoire à trois au départ, et très rapidement, on a répondu à des appels à projets qu’on a remportés et donc La Bobine s’est construite au fur et à mesure et voilà. Aujourd’hui cela fait trois ans, on est plus que deux et on est en train de se structurer réellement en entreprise.

Qu’est ce que le « Design Social » ?

Faire du design, c’est concevoir par exemple des objets en s’intéressant à ses fonctionnalités mais aussi à la personne qui va les utiliser. Ensuite, il y a le design de service, c’est s’intéresser à la manière dont sont délivrés les services aux utilisateurs et aux différents points de contact qu’il peut y avoir entre les utilisateurs et ces services. Ça peut être des interfaces, des objets, des interactions humaines, donc c’est tous ces points-là des services qui vont être observés, pensés et modifiés si besoin. Et faire du design social, c’est se poser toutes ces mêmes questions mais sur des sujets de société. Comme par exemple la santé, ça peut être l’éducation, l’alimentation, la dépendance, on a beaucoup de projets autour de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

Pouvez-vous nous donner un exemple de projet ?

Dernièrement, on a travaillé dans un quartier prioritaire à Bagnols-sur-Cèze, sur la question de l’inclusion numérique des femmes de ce quartier. Pourquoi ? Pour qu’elles puissent, grâce au numérique, avoir accès à leurs droits, parce que c’est la dématérialisation en ce moment et qu’il faudra que tout le monde déclare ses impôts en ligne en 2020. Donc notre objectif était d’aller sur le terrain, de connaître les offres d’inclusion numérique du quartier, de rencontrer tous les acteurs, de savoir qui fait quoi, de répertorier un peu tout ça, de rencontrer des femmes du quartier qui ne vont pas déjà à des ateliers numériques, qui en sont éloignées, de comprendre leur quotidien et d’essayer de trouver des petites choses qui pourraient les amener à s’intéresser au numérique et à y avoir accès. On a imaginé des petites solutions qui n’étaient pas numériques, mais qui étaient plutôt des passerelles vers le numérique qui puissent outiller les acteurs du quartier qui font déjà de la sensibilisation, mais aussi les femmes. On leur a proposé ces solutions dans un atelier, elles nous ont dit : « Ça je l’utiliserai, ça je ne comprends pas, ça il faut le modifier ». Les acteurs associatifs étaient là aussi, et donc on a modifié tout ça, on en a fait une première version qu’on leur a livrée, eux l’ont testée de leur côté pendant deux mois, et ils nous ont fait les retours il y a peu de temps. Et donc là, on est en train de formaliser la dernière version pour leur rendre des outils qui leur soient utiles au quotidien sur le terrain. Donc ça, c’est un peu le projet “idéal” dans le sens où la méthodologie a été déroulée de A à Z. On est parties d’une problématique qu’on s’est appropriée, qu’on a modifié, on a observé, on a trouvé des solutions, on les a proposées, et on arrive à des solutions abouties, et adoptées par les personnes concernées.

Vous avez fait le Master Design Innovation Société de Nîmes ?

Quand on est rentrées en Master Design Innovation Société, on nous a dit : « On va vous former à un métier qui n’existe pas encore ». Et c’est vrai, parce que quand j’explique mon boulot, il faut toujours trois quart d’heure pour que les gens comprennent, c’est normal… Voilà donc c’est vrai qu’arrivée en Master, ça a été une vraie aventure. C’est un Master à la pédagogie un peu particulière, il y a beaucoup d’autonomie laissée aux étudiants, des projets avec de vrais commanditaires publics. C’est un Master vraiment centré sur le design des politiques publiques. Donc on fait de vrais projets, une méthodologie de projet où les intervenants viennent pour nous aider à construire le projet.

Votre métier est particulièrement innovant…

Aujourd’hui, on met le mot d’innovation dessus c’est quand même beaucoup de bon sens et de concertation. Après il y a mille manières de le faire. Nous, on le fait avec nos méthodes de design parce qu’on est designers. Mais allez voir les gens concernés avant de faire quelque chose ! Quand on voit la manière dont sont délivrés les services publics aujourd’hui, il y a un gros travail de modernisation. Tout est compliqué ! L’accès est compliqué, la compréhension du service est compliquée, et c’est compliqué y compris pour ceux qui y travaillent !

Comment stimuler sa créativité ?

Les idées ne tombent pas du ciel ni pour les designers, ni pour les autres, et moi personnellement, ma source d’idées et de créativité, c’est le terrain à la rencontre des gens. Au début, je me fais petite souris, j’observe tout, je note ce qui m’interpelle. Je suis assez attentive aux détails en fait, donc j’écoute beaucoup. Avant d’avoir une idée, il faut écouter et il faut observer et après on voit. Et surtout quand on a une idée, on la soumet à ceux qui vont l’utiliser, et on ne part pas bille en tête en se disant : « C’est bon j’ai compris on va là, tout de suite, tout droit ». Non, à toutes les étapes, on accepte de remettre en question notre idée, que quelqu’un nous dise : « Non mais là tu te plantes complètement, t’es pas du tout dans la réalité, c’est n’importe quoi, on va plutôt faire comme ça ». Voilà il faut accepter ça, côté remise en question, et on n’est pas forcément propriétaire de LA bonne idée, elle se construit à plusieurs, finalement quand on termine nos projets, on ne se dit jamais : « Ah ça, c’était mon idée ! ». Non ça n’arrive pas, c’était un bout d’idée, qui est arrivé avec un autre bout d’idée, qui a été consolidé avec une critique, et finalement ça fait une bonne idée !

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