Amandine et Caroline sont cofondatrices de Belesa, une marque de cosmétiques respectueuse de l’environnement et ancrée dans le terroir cévenol. Elles nous parlent de leur rencontre et de leur beau projet… eh oui Belesa est un mot occitan qui signifie « beauté » !
Découvrez l’interview dans son intégralité :
Caroline : Belesa à la base, c’est une idée d’Amandine. On s’est rencontrées dans un laboratoire de produits cosmétiques biologiques et on a sympathisé. Elle m’a présenté son projet sous forme de rêve un peu utopique au départ… Je me suis vite emballée. En deux mois, on a pris la décision après une petite étude de marché réalisée nous-même et on s’est lancée. On est que toutes les deux. On fabrique des produits cosmétiques naturels, des formulations très saines, de façon la plus éthique possible dans le processus de fabrication : le sourcing, en Cévennes, chez des petits producteurs, le concept de packaging qui se fait toujours en se posant la question d’avoir des matières éco-responsables, et toujours en région le plus possible.
Qui fait quoi ?
Caroline : On fait tout !
Amandine : C’est ça, on fait tout à deux ! Moi je m’occupe de créer la formule du produit, en gros la recette. Pour ça, on s’est équipée d’un petit labo au sein de notre bureau. Avec Caroline, on part sur des idées de produits et moi je fais des essais texture, odeur etc. Jusqu’à arriver à la bonne formule qui sera validée par nous deux. Ensuite il y a la production, c’est une partie que l’on sous-traite avec des façonniers, parce que c’est pas le même investissement que de construire une usine ! On suit l’éthique du circuit court : ils sont dans les Cévennes ou très proches – à Lunel, c’est une toute petite entreprise de dix femmes et un homme. Je gère aussi le côté réglementaire – car le produit cosmétique est suivi par un règlement assez strict – appuyée par un toxicologue. Et ensuite une partie de la commercialisation avec Caroline, j’ai quelques revendeurs sous mon aile que je suis de très près – on est très proche de nos revendeurs.
Caroline : Moi je m’occupe plus du marketing, site internet… On fait beaucoup de photos parce que notre égérie, c’est les Cévennes, la nature, on met vraiment ça en avant. Pour tout ce qui est packaging, on s’est fait aidées par Margaux, élève à l’ISCOM de Montpellier. On a réussi à faire aussi bien que les autres avec peu de moyens et beaucoup d’investissement de notre part. Du coup on a appris à toucher à tous les aspects qu’on ne connaissait pas forcément et on se régale d’être multi-casquette.
Quel est votre parcours en quelques points clés ?
Caroline : Je suis née ici, vers Uzès. Je suis partie très tôt à 18 ans vivre à Paris pour être maquilleuse dans les effets spéciaux. J’ai atterri dans la mode, ça a duré six années. Je suis vite rentrée retrouver ma campagne adorée. Puis je suis partie en Thaïlande me former aux massages traditionnels, et j’ai ouvert un spa à Aigues-Mortes. Je suis tombée enceinte, donc j’ai arrêté le spa et j’ai élevé mes deux enfants. Ensuite, je suis partie travailler là où j’ai rencontré Amandine.
Amandine : J’ai une Licence pro Chimie – option Cosmétiques, faite sur Montpellier. Pendant trois ans, j’ai été formulatrice dans ce labo où on s’est rencontrées, à côté d’Uzès. J’étais principalement formulatrice mais comme c’est une PME, j’ai touché un peu à tout – la qualité, aux aspects réglementaires, j’étais très proche de la production. Je pense que tout ça m’a bien aidée à avoir la conception globale du produit.
La vie est courte, on ne va pas se mettre des barrières, si on n’essaie pas, on n’y arrivera pas.
Quel a été le déclic pour vous lancer ?
Caroline : De se dire « la vie est courte, on ne va pas se mettre des barrières, si on n’essaie pas, on n’y arrivera pas ». On s’est assez vite convaincue qu’il fallait tester.
Amandine : Je pense qu’on était déjà toutes les deux dans une situation de notre vie où on avait envie d’un tournant, en fait. Dans mon boulot, même si c’était bien, je sentais que je ne m’épanouissais plus tant que ça et c’est important pour nous l’épanouissement personnel.
Caroline : Moi, j’ai été employée deux ans dans ma vie et ça m’a surtout appris que je n’étais pas faite pour ça !
Amandine : C’est vrai que c’est cette discussion autour de l’idée que j’ai eue de produits en Cévennes qui me tenait à cœur – comme à Caroline. On a saisi cette opportunité. Sachant qu’on était très bien entourées – par nos maris, nos familles qui nous ont soutenues, poussées – ça nous a aidées aussi.
Professionnellement, avez-vous été accompagnées par des incubateurs ou autres structures ?
Caroline : Lorsqu’on s’est lancées, on était au chômage et on a passé six mois enfermées dans ma maison, presque nuit et jour à élaborer par nos propres moyens un business plan, une étude de marché etc. En se disant qu’on avait peu de temps, donc on l’a fait vite. Ce n’est qu’après qu’on a réalisé qu’il existait plein de moyens pour nous aider. On s’est tout de même présentées à la Chambre des Métiers pour valider notre entreprise, on nous a proposé des encadrements, des petits stages et on s’est rendues compte qu’on s’en était finalement pas trop mal sorties !
Amandine : Bon c’est vrai qu’on avait eu une bonne trame de business plan – ma sœur a été incubée justement pour un autre projet, alors elle nous a donné quelques tuyaux de choses à suivre. Mais c’était aussi un choix car le problème de ces incubateurs, c’est que c’est souvent assez long, et on avait envie d’aller vite…
Caroline : Il fallait qu’on aille vite. Financièrement déjà, il fallait qu’on gagne vite notre vie, donc on s’est mis des deadlines très courtes.
Être deux, c’est important ?
Caroline : C’est important car on est totalement complémentaires, on a des caractères assez différents mais on se retrouve sur les choses essentielles. Mais faut pas croire que c’est facile parce qu’il y a des compromis à faire, on est deux à prendre des décisions, donc il faut bien s’entendre, se comprendre. On a eu la chance d’avoir dans l’idée de départ de l’honnêteté, de la bienveillance et surtout de toujours se dire les choses. Forcément, il y a des moments où on s’est engueulées, où c’est compliqué car chacune veut se faire entendre aussi. Et ça nous a poussées je trouve à plus d’excellence car on se retrouve au final sur un compromis qui nous amène à avoir pesé tous les aspects de chaque question.
Amandine : Ce qui est intéressant dans notre duo, c’est qu’on a un point commun, nos valeurs de vie – peut-être le plus important. Mais par contre beaucoup de différences, ce qui permet de bien faire le tour de la question, de bien réfléchir. Dans nos cibles aussi car on est les deux extrémités du coup. C’est dans la complémentarité que c’est intéressant d’être deux. C’est du soutien aussi, parce qu’il y a des moments difficiles, physiquement, ou pour des décisions à prendre. Et puis c’est quand même aussi un petit peu plus rigolo !
Caroline : Mais on sait, pour avoir rencontré des personnes qui ont tenté l’expérience, que ça ne marche pas toujours. Je crois qu’on a de la chance parce que notre parcours s’améliore. Avec le temps, on s’entend de mieux en mieux, c’est pas l’inverse, ce qui arrive souvent.
Comment avez-vous surmonté vos peurs ?
Amandine : L’une de nos peurs était l’aspect financier parce qu’on a chacune une maison, Caroline a des enfants… Donc on savait qu’il fallait bien mesurer le pour et le contre, savoir quel investissement ça allait nous demander, ne pas trop nous mettre en danger pour que la famille puisse continuer à vivre… On l’a surmontée parce qu’on s’est rendue compte qu’on n’avait pas tant que ça à investir. Parce qu’on donnait beaucoup de notre personne avec notre “multi-casquette” justement, on a fait beaucoup de choses nous-même, il y a eu beaucoup de débrouille. Ce qui fait que finalement, on n’a pas eu beaucoup d’investissement de départ et ça nous a un peu soulagées. Maintenant si c’était à refaire, je pense qu’on investirait plus… (rires)
Caroline : Le double !
Amandine : Parce qu’on se rend compte que ça se passe plutôt bien, on aimerait avoir plus de moyens pour pouvoir envoyer encore plus !
Caroline : Pour se développer, oui ! Du coup on est un peu bloquées maintenant parce qu’on a été frileuses.
Amandine : C’est vrai que parmi les difficultés, il faut trouver des gens qui nous suivent, toujours convaincre, notamment les banques.
Caroline : Les autres difficultés, mais qui n’en sont pas vraiment, c’est qu’on n’a pas assez de temps pour tout faire ! D’autant que c’est important de garder du temps pour nos familles, mais au final, je pense qu’on arrive à équilibrer.
Amandine : Il faut juste savoir à quel moment poser les différentes casquettes !
Être une femme : avantage ou inconvénient ?
Caroline et Amandine : L’avantage c’est qu’on est plus malignes ! (Elles éclatent de rire)
Caroline : L’inconvénient, vraiment, on manque de crédibilité. On a eu peu d’expérience comme ça, mais de toutes manières, on y met un terme rapidement.
Amandine : C’est ça, oui. Quand on cherchait pour la production – et ça peut être un monde d’hommes – c’est vrai que je suis déjà arrivée dans un endroit où on m’a prise de haut. Le fait est qu’on ne cherche pas à comprendre, on tourne le dos, on ne veut pas travailler avec des gens comme ça.
Comment stimuler sa créativité ?
Amandine : Je suis tout le temps en train de regarder les nouveaux ingrédients qui sortent en terme de formulation, pour trouver de nouvelles textures ou des choses un petit peu sympa. Se promener en Cévennes, ça aide beaucoup, on est toujours en train de regarder quel ingrédient on va pouvoir valoriser, dans quel produit… c’est assez stimulant. Un des produits qu’on a fait qui est 100% cévenol, notre petit chouchou, c’est juste cinq ingrédients et tout se trouvait en Cévennes. Donc voilà, ça c’est quelque chose qui me motive.
Caroline : Le fait de s’être lancée nous a donné du courage et on est des éponges, tout nous inspire, un paysage, une belle vue… On lit beaucoup, on s’informe, même au niveau culturel, tout est lié car l’inspiration, on la trouve partout.
Il faut vraiment mettre le nez dehors et voir ce qui se passe, faut pas rester cloisonné dans sa propre idée avec son petit projet.
Des conseils pour celles qui voudraient se lancer ?
Caroline : Déjà, le plus gros conseil c’est de bien préparer et maîtriser son projet. Faire un business plan et vraiment ne pas avoir peur de réfléchir en chef d’entreprise et pas en “bon père” ou “bonne mère” de famille. Nos comptes ne sont pas les comptes d’une entreprise. On peut avoir de bonnes idées, être créatif et avoir de l’ambition mais si le projet n’est pas bien maîtrisé, c’est un peu “casse gueule”. On en a fait un il y a deux ans quand on s’est lancées, on en a refait cet été et on en refera un l’année prochaine. À chaque fois, on se remet à zéro pour être pragmatique.
Amandine : Le business plan est la ligne de conduite, après il faut vérifier qu’il soit réalisable. Il faut vraiment mettre le nez dehors et voir ce qui se passe, faut pas rester cloisonné dans sa propre idée avec son petit projet. Le deuxième conseil, c’est avoir de la passion. Il faut vraiment aimer ce dans quoi on va se lancer, avoir cette notion de plaisir, sinon c’est pas possible.
Caroline : C’est une liberté qu’on paie cher parce qu’on se sent libre mais on est finalement très dépendant de notre entreprise. Un autre conseil aussi est d’être proche du client final. Nous, on va beaucoup rencontrer nos clientes réelles, pas que les revendeurs. Et à chaque fois, on se dit « mais quelle bonne idée ! », parce que c’est de là qu’on s’inspire, c’est de là qu’on a les retours, qu’on voit, qu’on a les idées.
Quelles sont les prochaines étapes ou défis à relever ?
Amandine : On en a un gros dans deux mois. On monte au salon du Made in France à Paris, grâce à une campagne de crowdfunding qui nous a aidée financièrement à accéder à ce salon. On espère y avoir une bonne visibilité au niveau national. Il faut savoir que maintenant, on est très implanté en Cévennes et tout autour, on a signé je crois notre 52e client avant-hier. Donc là maintenant, l’idée est de proposer nos produits au niveau national avec des endroits très ciblés, très sélectifs, qui vont avoir le coup de cœur comme nous pour la marque, et qui vont bien s’en occuper.