Être street artiste ne signifie pas s’habiller en jean-baskets et arpenter les rues visage dissimulé sous une casquette, ni même avoir été bercé par la culture street art. Preuve en est Débit de Beau. Connue sous la signature DDB, c’est par (un heureux) hasard que l’artiste a troqué ses bobines de films contre un pinceau. Elle qui rêvait d’être cinéaste est aujourd’hui un nom du street art à Montpellier, dont les œuvres légères et poétiques habillent les murs de la ville, avec pour emblème le coquelicot. Rencontre.
Rendez-vous est donné à l’atelier de l’artiste, quartier Figuerolles à Montpellier. J’arpente les allées à la recherche de ladite maisonnette, les yeux balayant l’espace. BINGO ! Devant moi se dresse sur la porte d’un garage une jeune femme littéralement en fleurs, une oeuvre signée DDB. Une voix m’interpelle, c’est bien elle : Débit de Beau.
Des salles de cinéma à la rue
Dès son adolescence, Sylvie Huet alias Débit de Beau est prise d’une passion dévorante pour le cinéma « j’étais obnubilée ! ». Elle s’inscrit à la faculté Paul-Valéry en cinéma audiovisuel en vue de devenir le nouveau Spielberg. Et passe dans la foulée les concours des grandes écoles de cinéma. Elle échoue. Faute de faire des films, elle se tourne vers le métier de projectionniste. Une profession qu’elle exerce par intermittence pendant plusieurs années entre Valence et Montpellier, jusqu’à la naissance de ses deux enfants dans les années 90. Jeune maman, Débit de Beau préfère se retirer à la campagne.
S’en suivront quelques années de “off”. Un laps de temps dont elle tirera profit pour se recentrer sur le cinéma et développer sa propre technique de traitement de l’image. « J’ai commencé à essayer de faire des choses à partir de Photoshop. C’est là que j’ai appris à créer des images concentrées qui racontent des histoires », confie-t-elle accoudée sur son plan de travail taché de peinture.
Sa technique au point, c’est en tant qu’illustratrice de livres qu’elle imagine dans un premier temps l’appliquer. Puis, forte de rencontres fortuites avec des artistes, elle envisage une activité artistique. En 2010, poussée par ses voisins, elle ouvre les portes de son atelier à l’occasion du Parcours d’ateliers d’artistes. C’est la révélation ! « Je me suis prise au jeu », indique-t-elle en tortillant les poils de son pinceau. Débit de Beau commence alors à coller ses photomontages dans les rues du quartier, mais aussi rue Roucher, avec son oeuvre “Flower Power” pour égayer le quartier Sainte-Anne à la demande des habitants.
Le street art devient pour elle « une réponse au manque de possibilité d’exposer. On s’empare de la rue sans enjeu, ni contrainte. Il n’y a pas tout le travail rébarbatif de préparation que demande une exposition ».
Un art poétique et politique
Son « petit cinéma » est né. Débit de Beau illustratrice devient DDB street artiste. « Quand j’en ai marre de tout, je me dis : “ah il est temps de faire un street !” Pour moi, c’est la liberté ».
À partir de son ordinateur, elle travaille ses images, les imprime en noir et blanc, les peint, les découpe et les assemble avant de les exposer au détour d’une rue. Des créations au visuel simple, poétique, léger, néanmoins engagées. « Ma poétique est politique, affirme-t-elle, j’ai un style assez esthétique mais en même temps ce qui m’intéresse, c’est de traiter des sujets d’actualité ».
Ainsi, aux côtés d’oeuvres qui ont fait sa notoriété telles que le funambule, la libellule, ou encore la roulotte, prennent place des images au ton plus grave : sur les migrants, la dépression, les réfugiés etc.
En s’adonnant au street art, Débit de Beau ne cherche pas uniquement à rendre visible ses œuvres, mais à leur donner vie. Son truc : poser un collage et dire aux gens « je vous laisse ça là, débrouillez-vous avec ! ». Une expérience dont elle s’amuse, tant les attitudes sont multiples, certains restent de marbre, d’autres se font happer, se prennent en photo…
Débit de Beau, une artiste aux multiples créneaux
En 2016, un an après être devenue artiste professionnelle, elle investit les 200 m² de surface de l’Espace Saint-Ravy avec une exposition personnelle. Un événement qui attire près de 5000 visiteurs, « avec un retour public énorme qui vous booste pour les dix prochaines années ». Une consécration pour Débit de Beau se voyant confortée dans son idée de poursuivre une carrière artistique. Une casquette dont toutefois la cinquantenaire ne saurait se contenter. Avec un passé dans les métiers de l’image, elle a plusieurs cordes à son arc et entend bien toutes les utiliser. Ainsi, en parallèle de ses projets street art, DDB jongle entre illustrations pour la presse et le théâtre, et autres créneaux autour de l’image.
À quand le prochain street art ? Telle est la question. Débit de Beau a en stock bon nombre d’œuvres, prêtes à être installées. Toutefois, en raison de leur grand format, celles-ci nécessitent (beaucoup) de hauteur et pour l’heure, aucun emplacement n’a tapé dans l’œil de l’artiste. Mais ça ne serait tarder… Alors, restons attentives !
Pour en savoir plus
Site internet de Débit de Beau