vendredi 19 avril 2024
AccueilTalentsBoostez-vous !Parité professionnelle : qui perd gagne ?

Parité professionnelle : qui perd gagne ?

-

À l’heure où Antoinette Fouque, co-fondatrice du MLF, politologue, éditrice et psychologue nous a quitté et où le Sénat vient d’adopter le décret de Najat Vallaud-Belkacem relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle des femmes et des hommes, faisons le point sur la parité au travail.

Nous ne nous battions pas contre les hommes mais pour les femmes.
Antoinette Fouque

« Je venais d’obtenir mon diplôme d’École de Journalisme et d’être embauchée en CDD dans un journal » témoigne Julia, 32 ans. « Heureuse d’entrer dans la vie professionnelle, je ne me suis pas posée la question de l’équité de mon salaire, je supposais que la rémunération correspondait à une grille relative à l’expérience et au niveau de qualification. C’est en discutant avec un collègue-stagiaire que j’ai réalisé qu’il était payé 137 euros nets de plus que moi. Sans aucune raison, ni motif. J’étais choquée et folle de rage d’autant plus que cela se passait dans une entreprise de presse, on ne peut pas dire qu’ils ne soient pas informés ! Je n’ai pas osé aller demander d’explications à la DRH. Quand on débute, on ne veut pas se faire remarquer “négativement” mais je le regrette. Aujourd’hui, je ne me laisserais plus faire. »

Clare Hart
Clare Hart © DR

Cette expérience, malheureusement courante, témoigne du chemin qu’il reste à parcourir en matière d’égalité salariale mais aussi d’après Clare Hart, P-dg et fondatrice de l’entreprise ILO et Présidente depuis quatre ans de l’association Face Hérault, du « syndrome du plafond de verre », expression apparue aux États-Unis à la fin des années 70 pour désigner l’ensemble des obstacles (psychologiques, préjugés et concrets) que rencontrent les femmes pour accéder à des postes plus élevés dans la hiérarchie. « Généralement les femmes n’ont pas, comme les hommes, l’habitude de demander spontanément et de façon décomplexée une augmentation ou de se positionner pour une promotion. Ce n’est pas un problème de compétences mais trop souvent un problème de confiance, à force d’être exclues des dispositifs, elles ne postulent même plus ! Il faut travailler et œuvrer pour faire exploser le plafond de verre ! »
Cependant, en tant qu’observatrice privilégiée des pratiques en entreprises, Clare Hart constate que les choses bougent. « On a vraiment parcouru du chemin dans les entreprises professionnelles. Le sentiment général est une envie d’évoluer dans le bon sens, d’améliorer les pratiques. Les inégalités choquent aujourd’hui, que l’on soit homme ou femme. »

La principale problématique : la parentalité

On s’aperçoit que le nœud de la problématique sur l’égalité au travail est la parentalité, en particulier pour les entreprises qui n’ont pas une politique adaptée au départ en congé maternité ou paternité de leurs salariés.
Et cela peut virer à la catastrophe pour Astrid, 38 ans : « J’étais cadre dans une grande entreprise quand j’ai annoncé ma grossesse, la boule au ventre, je me suis entendue dire texto de ma hiérarchie : Comment oses-tu nous faire ça ? On te faisait confiance ! ». Un vrai traumatisme. Je culpabilisais pour mon job et je culpabilisais pour mon bébé de m’infliger autant de stress. Je suis revenue dans mes petits souliers et le malaise perdure. »

Pour Clare Hart, il existe pourtant des moyens d’amortir le choc de la grossesse, ou de la maladie d’un salarié. « Si le monde s’écroule parce qu’un salarié manque à l’appel, c’est que l’entreprise est mal organisée. Avec Face Hérault nous travaillons avec les entreprises et leur proposons des solutions concrètes. En organisant un entretien avec la salariée avant son départ et en répartissant sa charge de travail en son absence. À son retour, on conseille une période de transition de 2 jours à une semaine, pour que le salarié fasse “une mise à jour” concrète de l’actualité dans chaque service et reprenne son poste sereinement. Les mamans ne sont pas moins investies ou ambitieuses que les autres, c’est un préjugé ! ».

D’ailleurs, il apparaît que les entreprises qui comptent des femmes dans leurs CA ont mieux supporté la crise, notamment grâce à leur capacité à prendre les bonnes décisions au bon moment… Un argument qui devrait œuvrer pour l’équilibre femme/homme et l’intérêt de la parité dans l’entreprise.

Les femmes gagnent toujours 20 % de moins que les hommes

Alors que va changer le décret adopté le 28 janvier dernier ? Pour Me Xavier Le Cerf « il s’inscrit dans la volonté politique de ces dernières années d’affirmer et de renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes et ce, au travers de la loi. Le législateur cherche donc à transformer en réalités factuelles l’égalité des droits qui est pourtant ancienne et constitutionnelle. La loi sanctionnera donc plus sévèrement tout manquement à une représentation égalitaire dans les corps étatiques ou privés. Cette égalité des droits n’est pas à sens unique et passe aussi par l’accroissement du droit des hommes, notamment pour l’accès aux congés parentaux. »
Mais devoir légiférer pour l’égalité n’est-ce pas paradoxal voire dangereux ? « Sanctionner est une manière de frapper les esprits mais à trop vouloir légiférer et imposer des règles protectrices, gare à l’effet inverse », poursuit-il. « Traiter avec excès la reconnaissance des femmes par la loi revient à considérer les femmes comme une catégorie à part la citoyenneté, une minorité fragile à protéger. Cela sous-entendrait que les femmes ne pourraient atteindre une égalité de fait que par le biais de la contrainte légale. » À méditer…

Pour Clare Hart, « C’est un mal pour un bien. En tant que citoyenne et femme, je déteste la notion de quotas, mais si ce décret permet un effet “booster” pour que les choses changent, cela aura le mérite de permettre à des femmes d’exercer et d’exister pleinement dans l’entreprise et dans la société. » On est bien d’accord…

Les femmes ne sont pas des hommes inachevés.
Antoinette Fouque

Quelques chiffres

Source : INSEE février 2014

⅔ des femmes en âge de travailler sont en activité, contre ¾ des hommes.

Les femmes travaillent 4 fois plus que les hommes à temps partiel (30,2 % contre 6,9 %).

En France, un homme gagne en moyenne 2 312 euros net, soit 19 % de plus que les femmes avec 1 865 euros.

Pour aller plus loin

  • Face Hérault : association regroupant des entreprises menant des actions luttant contre toutes les discriminations.
  • Place aux Femmes : le blog de Geneviève Tapié, Présidente de l’Assemblée des Femmes, Observatoire de la parité en Languedoc-Roussillon.
  • Éga-Pro : Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mode d’emploi pour les PME.

ARTICLE SUIVANT