samedi 20 avril 2024

Maryam Bini – Soledge

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Maryam Bini a co-fondé la société Soledge avec Raphaël Bini, ingénieur électronique passionné de musique. Venue à l’entrepreneuriat un peu par hasard, cette experte en marketing logiciel s’est vite impliquée dans l’écosystème montpelliérain pour en devenir l’une des actrices référente.

Pouvez-vous nous présenter votre activité ?

Soledge est une entreprise qui fournit aux fabricants d’enceintes des solutions électroniques et informatiques afin d’en faire des enceintes connectées.

Vous êtes très impliquée dans l’écosystème local…

Nous faisons partie de Leader Occitanie qui est un réseau de chefs d’entreprise au profil un peu plus industriel sur toute l’Occitanie. C’est un réseau très bienveillant qui permet également à des entrepreneurs un peu plus verts dans leur expérience entrepreneuriale, d’avoir des conseils d’entrepreneurs plus matures avec des entreprises plus avancées qui peuvent conseiller sur l’export, sur les aides à l’innovation, etc.

On a créé un accélérateur qui permet aux TPE qui font partie de Leader Occitanie d’accélérer leur croissance, c’est plutôt des TPE industrielles, contrairement aux accélérateurs qui existent pour les start-up. Là, c’est vraiment destiné aux TPE industrielles qui ont besoin d’accélérer leur croissance, ou leur recherche de financement ou leur recherche en innovation. On les accompagne sur 18 mois.

Comment finance-t-on la création et la croissance d’une start-up ?

On voit une tendance en France qui s’est inspirée d’une tendance américaine, celle de financer ces entreprises innovantes qui commençaient de zéro et qui n’avaient pas de grands groupes industriels derrière pour porter leur projet. On a des fonds d’investissement qui viennent investir au sein de ces entreprises pour les aider à accélérer leur croissance, pour pouvoir investir dans l’humain, dans l’innovation et dans le développement commercial. Sauf qu’effectivement, à force de communiquer dessus (c’est mon point de vue au niveau des effets pervers de cette levée de fonds) les fonds d’investissement viennent prendre une part du capital de l’entreprise, c’est-à-dire que le créateur n’a plus tout le capital de son entreprise entre les mains, mais « vend » une part à des fonds d’investissement.

On peut rentrer dans un cercle où plus on a besoin d’argent parce qu’on prend plus de temps que prévu, on va rechercher les fonds et donc on se redilue, c’est-à-dire qu’on redonne encore plus de capital à d’autres fonds d’investissement qu’on fait entrer au capital. On valorise l’entreprise, du coup il peut y avoir des valorisations qui n’ont strictement rien à voir par rapport à ce que l’on connaît, il y a certaines entreprises qui en ont vraiment besoin et effectivement, ça les aide à accélérer leur croissance, leur développement, et d’autres où on se rend compte aujourd’hui qu’on crée une entreprise pour lever des fonds.

Ce qui est complètement le contraire, on ne crée pas une entreprise pour lever des fonds. On la lance pour créer de l’emploi, de l’économie et ensuite si vraiment on a un besoin d’accélération et qu’on n’est pas suivi par les banques ou qu’on a vraiment un besoin de cash, c’est là qu’on peut se diriger vers la levée de fonds.

Des conseils pour celles qui voudraient se lancer ?

On crée son entreprise parce qu’on a envie de le faire, parce qu’on a une envie de transmission aussi. Un créateur d’entreprise a une idée, mais l’idée n’est peut-être pas exécutable tout seul, donc il a aussi soif de savoir transmettre, la transmission est importante. Il faut savoir bien s’entourer et oser, ne pas se freiner et ne pas se dire que ce n’est qu’un monde d’hommes comme on nous le dit souvent.
Je suis très contente de voir qu’il y a de plus en plus de femmes et de jeunes femmes qui « osent » le faire, parce qu’il y a eu une ouverture de cette voie-là, mais il est vrai qu’on est encore trop peu nombreuses autour de chaque table. Si on a envie d’entreprendre un métier, si on a envie d’être entrepreneure, il ne faut pas se limiter au secteur d’activité parce qu’on l’a toujours genré dans notre esprit. Je pense qu’il faut qu’on arrête avec ce genre et qu’on se dise : « j’ai envie, je le fais ».

Où sont les femmes dans la « tech  » ?

Il y a 20-30 ans, il y avait des femmes qui entreprenaient des études d’informatique, d’électronique et aujourd’hui, on s’aperçoit qu’il y en a de moins en moins. Alors qu’avant il y avait beaucoup d’informaticiennes et de nos jours leur nombre diminue. Il y a 3-4 ans, j’avais eu une discussion avec une directrice de recrutement d’une école d’informatique sur la région qui me disait de venir intervenir pour justement ouvrir un peu.
Elle me disait qu’aujourd’hui le problème ce n’était pas tant les étudiantes, mais les parents. Quand ils arrivent et voient tous ces garçons et aucune fille, ils n’ont pas spécialement envie que leur fille se retrouve seule face à ces garçons.
Et c’est aussi les garçons, les étudiants masculins qui, quand ils voient une fille arriver, lui font comprendre qu’elle n’est pas à sa place.

Le matin il faut se lever en ayant plaisir à aller travailler.

Qu’est-ce qui vous motive ?

Ce qui me motive le matin ce sont mes enfants, j’ai deux filles, donc je n’ai pas trop le choix… Oui, ce sont elles, et de me demander : « quel monde je vais leur laisser ? quelle place elles vont réussir à trouver ? et dans quel environnement est-ce qu’elles évolueront ? » C’est de leur montrer l’exemple déjà parce que maman travaille, elle se bat aussi dans des associations à côté, de leur montrer qu’il y a des choses à faire. Si demain elles ont envie de devenir ingénieure en robotique, comme ma petite dernière a envie de faire ou alors devenir garagiste, qu’elles le fassent et qu’elles le fassent avec bonheur.
Ce que je leur dis tous les jours, c’est que le matin il faut se lever en ayant plaisir à aller travailler. C’est-à-dire aimer son travail et son environnement.

Photo de couverture Maryam Bini copyright Grizette.

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