jeudi 18 avril 2024
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Jehanne Portefaix – Digitanie

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Jehanne Portefaix est gérante de Digitanie, une entreprise d’insertion qui intervient dans le domaine du numérique. Outre son activité de réalisation de sites web ou de traitement de données, cette société d’un genre unique est investie d’une mission sociale qui prend tout son sens au sein de l’écosystème ariégeois.

Qu’est-ce qu’une entreprise d’insertion ?

C’est une entreprise qui accueille des personnes en recherche d’emploi ayant du mal à retrouver du boulot pour des raisons X ou Y. Ils intègrent un parcours d’insertion avec un agrément Pôle Emploi, maintenant c’est un agrément de l’État. Ils rentrent dans un parcours d’insertion pour deux ans maximum sur des contrats courts renouvelables.
Chez nous, on crée un parcours de compétences où ils vont démarrer sur des tâches assez basiques. S’ils ont des compétences en graphisme, développement web ou dans le traitement de données géographiques par exemple, ils vont démarrer tout de suite sur des tâches plutôt qualifiées, sinon sur des tâches assez simples.
Ils vont monter en compétences pendant ces deux ans, dans une entreprise d’insertion, contrairement à d’autres structures, il y a un accompagnement social. Dans l’entreprise, on a une conseillère en insertion professionnelle qui les suit pendant tout ce parcours de recherche d’emploi. Donc ils acquièrent des compétences techniques et ils sont accompagnés sur leur recherche d’emploi.

Après, nous avons une activité économique, donc quand nous créons un site web nous le faisons de A à Z : la partie graphisme, développement, intégration, etc.
Et ça s’appuie quand même sur des compétences et des personnes qualifiées qui sont des encadrants techniques dans l’entreprise, donc on a la moitié des personnes en parcours d’insertion et l’autre moitié qui est du personnel qualifié avec des compétences en développement, en système d’information géographique, en graphisme etc.

D’où est venue l’envie de créer une telle entreprise ?

J’ai découvert en 1999 qu’on pouvait faire du business social dans une entreprise d’insertion en Lozère qui faisait du bâtiment, de la rénovation de bâtis anciens, un espace d’atelier aussi et des jouets en bois. J’ai fait un stage dans cette entreprise en achat et ensuite, j’ai continué en école de commerce. Pendant cette école de commerce, j’ai toujours eu dans l’idée que ce que j’apprenais en entrepreneuriat, en commerce et en marketing serait utile un jour pour des personnes en insertion.
Je crois que j’ai trouvé ma voie à ce moment-là, dans ce stage.
Après j’ai continué, j’ai fait un passage en entreprise d’insertion dans le Tarn, je suis revenue en aéronautique où j’ai été acheteuse pendant douze ans chez Thales, un grand groupe de l’aéronautique. Ça a été passionnant et à un moment donné, les portes se sont ouvertes et les étoiles se sont alignées, et je me suis dit que c’était le moment de me lancer dans l’entrepreneuriat.

Digitanie est une Scop, qu’est-ce que c’est ?

Une Scop est une Société Coopérative et Participative. Dans notre cas, c’est une société dans laquelle une personne égale une voix. Chaque personne, chaque sociétaire associé dans la Scop a le même pouvoir. C’est une société qui appartient majoritairement à ses salariés.
Aujourd’hui, tous les salariés permanents sont sociétaires et nous avons aussi d’anciens salariés qui sont restés sociétaires. Une Scop est un projet coopératif de plusieurs personnes qui ont envie de mettre en commun leurs compétences, leur motivation pour créer quelque chose de « vertueux ».

Pourquoi participer aux appels à projets ?

En terme d’accompagnement et de visibilité, c’est un support vraiment indéniable.
Il est vrai qu’EDF a été un gros support en 2019, nous avons gagné ce prix avec EDF qui nous a bien propulsé. Il y a eu d’autres soutiens, comme La Mêlée en 2018, Thales en 2017, Orange en 2019. Nous avons pas mal de soutien, maintenant, on a encore un soutien avec AG2R, nous avons des soutiens privés sur des appels à projets qui sont importants parce qu’on ne peut pas s’en sortir tout seul sur une activité d’insertion. Il faut vraiment compter sur les autres et nous sommes une entreprise d’utilité sociale, donc nous comptons aussi sur le soutien des acteurs privés, publics et associatifs.

Des conseils pour celles qui voudraient se lancer ?

Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, à aller voir les autres.

Il ne faut pas hésiter à se lancer, l’entrepreneuriat, la création de quelque chose, ça n’est pas simple.
Quand on est une femme, il faut passer par des voies qui ne sont pas forcément toutes tracées, je trouve qu’il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, à aller voir les autres. Je crois qu’on a cette capacité-là à rester assez humble par rapport à ce qu’on peut faire. On ne peut pas tout faire donc il faut vraiment s’appuyer sur les autres. Mais c’est possible, il faut s’appuyer sur les autres autant dans sa vie privée, qu’il faut gérer et équilibrer correctement, parce que je pense qu’on a des exigences aussi, donc il faut s’appuyer sur les autres sur tous les aspects, professionnels et privés.

C’est différent une femme entrepreneure ?

Peut-être qu’on est un peu plus mesurée dans ce qu’on fait, prudente, et c’est vrai que j’ai souvent entendu ça, je le remarque aujourd’hui. On hésite, on n’a pas envie de se brûler les ailes, je crois que les principaux freins, on se les met à nous-mêmes. Cependant, des soutiens en tant que femme dans entrepreneuriat j’en ai tous les jours, et vraiment c’est plutôt une chance aujourd’hui d’avoir ces soutiens-là, nous sommes dans une époque où on peut être une femme, entreprendre, gérer une vie de famille et une vie professionnelle, c’est possible.

Quelle est votre motivation ?

Ma grande satisfaction, c’est de retrouver l’équipe, ce qui n’est pas toujours simple en ce moment. C’est un bonheur de se lever le matin et d’avoir une équipe qui arrive souriante au travail, qui a envie de bosser. De se dire que des personnes qui avaient peu de revenus avant ou des difficultés, vont avoir leur salaire à la fin du mois, qu’elles ont une vie sociale ici pour certaines qui n’en avaient pas, elles retrouvent des collègues, il y a des choses qui se partagent.
C’est vraiment tous ces échanges, ce côté sociabilisant du travail auquel je crois beaucoup, ça vaut pour moi comme pour les autres.

Photo de couverture Jehanne Portefaix copyright Grizette.

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