mercredi 24 avril 2024
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Pisse-debout : la success story de Magali Chailloleau

Les histoires de pipi, ça a son importance dans la vie ! C’est bien connu, les femmes ont souvent des envies pressantes au mauvais moment, au mauvais endroit, comme diraient les hommes. Alors on ruse. À ce jeu-là, chacune a sa manière. Pipi en suspension dans la rue ? Coussins de papier toilette dans les WC publics peu ragoûtants ? Ça reste toujours une vraie galère. Heureusement, une jeune femme a décidé de démocratiser en France un accessoire sorti de nos rêves les plus fous : le pisse-debout ! Grizette revient sur la success story de Magali Chailloleau.

Pisse-debout
Magali Chailloleau ©DR

Rien ne prédestinait cette ancienne comptable montpelliéraine à devenir la première femme à lancer cet objet si utile en France. Pourtant, il y a 7 ans quand elle découvre le pisse-debout lors d’un apéro entre copines, c’est la révélation. Une amie artiste montpelliéraine devait customiser l’accessoire si mystérieux d’une cliente. « À la soirée, quand elle nous a sorti ce truc, on était six nanas, personne ne connaissait ou savait à quoi cela servait. On l’a toutes trouvé absolument génial ! On s’est même demandé pourquoi il n’y en avait pas partout », raconte Magali. Mais ne vous y trompez pas, si l’outil tant révolutionnaire n’est que très peu connu en France avant 2013, il est pourtant bien plus vieux que cela. En effet, des brevets contenant les premières esquisses du pisse-debout dateraient d’avant la Première guerre mondiale, avant que celui-ci ne commence à être commercialisé. Il y a près de 40 ans donc. « J’en ai cherché en boutique et sur Internet, mais les produits ne me convenaient pas », explique la jeune femme.

J’ai gardé l’idée dans un coin de ma tête et un an et demi plus tard, quand j’ai quitté mon boulot pour créer ma boite, j’ai repensé au pisse-debout en me disant : c’est clair, y’a un truc à faire !

Le PISSEDEBOUT, une marque montpelliéraine

En 2013, après des études de marché en veux-tu en voilà, Magali Chailloleau lance son site à la création de sa SARL Grabuge, au nom évocateur. « Le nom de Grabuge, c’était juste parce que j’espérais faire du bruit, j’espérais faire un truc qui marche et qui fasse de l’écho. » La jeune cheffe d’entreprise commence alors à vendre un premier modèle de pisse-debout jetable, venu tout droit du Canada. Un an après, fort du succès de son entreprise, elle propose le premier modèle jetable made in France au Hellfest Festival de Nantes. « En festival, on sauve des vies (rires). On vend des pisse-debout aux nanas, c’est une révolution pour elles », raconte Magali.

pisse-debout
Le premier pisse-debout « made in France » © PISSEDEBOUT

Son premier pisse-debout fabriqué à Montpellier, elle l’a voulu en accord avec ses valeurs eco-responsables. Voilà pourquoi il est biodégradable, innovant et compostable, tout en gardant l’étanchéité nécessaire. Rapidement, les choses ont pris de l’ampleur et de bouche à oreille, son histoire de pisse-debout a rapidement couru dans tout l’Hexagone, accompagnée par les médias en transe devant cet ustensile inhabituel.

Pour répondre à tous les besoins et à toutes les morphologies, elle lance plusieurs modèles de pisse-debout réutilisables (en silicone et en plastique rigide) à partir de 2016. Puis en 2017, grâce à une campagne de financement participatif, elle sort son tout premier modèle réutilisable et démontable, fabriqué à Roquemaure dans le Gard.

Pisse-debout
Pisse-debout démontable © PISSEDEBOUT

Aujourd’hui, ses produits sont vendus sur son site internet ainsi que dans plusieurs enseignes comme Auchan, certains magasins de niche ou spécialisés dans le made in France, les parapharmacies Parashop et même Feu Vert très prochainement ! Étonnant ? Pas tant que ça raconte Magali Chailloleau : « Je pense que ce sont plutôt les nanas qui font de la moto qui étaient en demande. On retrouve souvent le pisse-debout dans des secteurs traditionnellement “masculins” ».

Tabous et inégalités

Quand elle a débarqué sur le marché des pisse-debout, elle a rapidement constaté que les marques concurrentes, souvent gérées par des hommes, avaient du mal à assumer l’objet. « C’étaient probablement des mecs qui ne savaient pas comment faire puisqu’ils l’appelaient « calice hygiénique », des titres tout en poésie et en petites fleurs ! », rappelle en riant, la jeune entrepreneure. « J’ai vraiment voulu prendre le contre-pied de ces marques parce qu’en voyant leurs packagings, on pouvait clairement croire que c’était encore une serviette hygiénique lambda. » Mais ce n’est pas tout. À son arrivée sur le marché, Magali Chailloleau a dû essuyer certaines remarques désobligeantes.

Ce type de produit suscite forcément des réactions positives ou négatives.

Alors si certains – hommes et femmes – ont été et sont toujours très enthousiastes et encourageants envers les pisse-debout, d’autres attestent que ce n’est pas élégant pour une femme d’uriner de cette manière. Beaucoup pensent aussi : « Ah ces femmes qui veulent tout faire comme les mecs ! ». « Alors que bon, si on voulait toutes faire comme les mecs, on agirait surtout pour avoir le même salaire », scande la créatrice de Pissedebout, un brin féministe. Après une soirée bien arrosée on urine en mode “suspension” derrière une poubelle, on vise péniblement le trou dans les toilettes à la turque d’une autoroute… Finalement, la conclusion est souvent la même : on s’en met plein les pieds ! Rien n’est fait pour faciliter la vie des femmes et de leurs vulves. Alors quand on demande à la trentenaire s’il y avait une intention féministe dans sa démarche, elle répond : « Quand je dis qu’il y a un aspect féministe ça a souvent tendance à discréditer le côté pratique de l’objet. Pourtant à mon sens, il est clair qu’il y a de manière innée un aspect féministe, parce qu’on rétablit quand même une inégalité… même si ce n’est pas la plus fondamentale ».

pisse-debout
©PISSEDEBOUT

Pour beaucoup, le pisse-debout évoque le dégoût et avec lui viennent les stéréotypes et les réactionnaires… Ceux qui pensent que c’est laid, ceux qui pense que ce n’est pas hygiénique, pourtant Magali l’assure « il n’y rien de plus propre comparé aux WC publics ». D’ailleurs ces WC publics pourquoi sont-ils si sales ? Que faire contre ces établissements peu regardant en ce qui concerne la propreté de leurs sanitaires ? Pour la jeune femme, la réponse est simple : si les bars, restaurants, cinémas, et autres lieux d’événements festifs, n’ont pas recours aux pisse-debout, c’est parce que cela serait avouer qu’il y a un manquement quelque part.

Le pisse-debout, un enjeu de santé publique ? 

En France, près de 93 % de femmes et 39 % d’hommes affirment avoir déjà hésité à uriner en dehors de leur domicile à cause de l’état de certaines toilettes publiques*. Pire, 9 femmes sur 10 avouent se retenir des heures durant pour éviter d’aller dans les sanitaires publics, que ce soit dans les bars, les restaurants, les cinémas, les aires d’autoroute, les trains, les établissements scolaires, etc. Certaines se retiendraient même de boire pour retarder l’envie, provoquant alors déshydratations, infections urinaires et autres cystites. Sans parler des femmes enceintes ou encore des personnes âgées, encore plus touchées par ce problème.

9 femmes sur 10 se retiennent des heures pour éviter d’aller dans les sanitaires publics.

Qu’en est-il du pipi suspension alors ? Sachez mesdames que cette technique – dont on pensait qu’elle nous permettait de faire pipi à l’abri de la saleté tout en faisant du sport – est en réalité très mauvaise pour notre système urinaire ! Selon bon nombre de professionnels de santé, cette position de semi-flexion ne permettrait pas que l’urine s’écoule correctement de la vessie, ce qui provoquerait à son tour son lot d’infections en tout genre. Un véritable problème de santé publique en somme, trop longtemps ignoré.
À ce propos, les médecins commencent tout doucement à s’intéresser aux Pissedebout de Magali. « On a beaucoup d’urologues qui nous prennent de la documentation. J’ai participé au congrès du SIFUD qui avait lieu à Montpellier, l’année dernière. Quelques praticiens connaissaient les pisse-debout et en parlent à leurs patientes, notamment celles qui se retiennent beaucoup de faire pipi », atteste Magali Chailloleau. Tout comme le Planning Familial qui commence à expliquer l’objet à ses visiteuses.

Aujourd’hui, Magali Chailloleau peut se réjouir d’avoir eu l’idée du siècle ou du moins de la décennie ! Depuis sa création, sa SARL Grabuge aurait généré plus de 1 270 000 vues sur le site pissedebout.fr pour 150 000 pisse-debout vendus sur Internet et dans 50 boutiques à travers la France. Le tout auprès de 16 000 clientes régulières. En matière de pisse-debout, il y aura toujours les ferventes habituées, les mitigées et celles qui ont peur de se lancer. C’est justement pour ces dernières que Magali a choisi de s’adresser pour terminer, en souriant : « Pensez à l’essayer la première fois dans la baignoire ». Une manière comme elle dit, d’éviter les blocages devant la cuvette.

Un petit rire et puis s’en va, après presque une heure d’entretien, le Pissedebout s’est dévoilé tout autant que sa créatrice. À nous maintenant de découvrir les plaisirs du pipi en toute liberté, voire dans les toilettes des mecs, et pourquoi pas apprendre à réécrire nos prénoms. Enjoy à toutes les “pisseuses” !

Site internet du Pissedebout

*Étude réalisée en avril 2013 sur 125 femmes et 68 hommes.

Et puis ça, c’est cadeau (spéciale dédicace à Magali) 😉

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